Afin de mieux comprendre ce qu’il y a derrière les termes « Trame verte et bleue, corridors écologiques, … », la petite chouette de Nature isère a interviewé Audrey Démurgé, chargée de mission trame verte et bleue à la LPO Auvergne-Rhône-Alpes, délégation territoriale de l’Isère.
Cet échange a été réalisé pour produire un article pédagogique, accessible à tous et notamment à destination des enfants. Alors, enseignants, animateurs, grands-parents, parents, … n’hésitez pas à vous servir de ces explications afin d’éclairer nos chers petits explorateurs.
Bonjour Audrey, peux-tu nous dire ce que tu fais dans la vie ?
Mes missions sont complètement différentes : je fais des états des lieux des corridors écologiques sur une échelle d'une commune, mais également sur un type de corridor en particulier (comme des projets sur le bocage par exemple). Concrètement ça veut dire aller sur le terrain, faire de la cartographie, étudier la bibliographie des communes, etc. Je réalise également tout un volet animation et sensibilisation en organisant des ateliers participatifs (sorties en extérieur, jeux, réflexion sur cartes) sur la trame verte et bleue avec tous publics : scolaires, habitants d’une commune, acteurs particuliers d’un territoire (agents d’espace vert, agriculteurs, etc.).
En une phrase, comment définis-tu le terme « Trame verte et bleue » ?
De manière très simple, je dirais que ce sont les voies de déplacement de la faune. Les animaux se déplacent pour se nourrir, se reproduire, étendre leur territoire et rejoindre des réservoirs de biodiversité (plus ou moins grand)…
Et en une phrase comment définis-tu le terme « Corridors écologiques » ?
Les corridors écologiques sont un ensemble de différentes trames (il existe plusieurs voies de déplacement possible).
Le terme Trame verte et bleue (TVB) est réducteur, car la Trame verte c’est la trame terrestre qui concerne souvent le bocage (les haies) et les forêts et la Trame bleue, c’est la trame aquatique mais en réalité, il y a plein d’autres milieux de vie pour ces animaux et donc, il y a plusieurs trames :
Les corridors écologiques finalement regroupent toutes ces trames.
Pour bien comprendre, peux-tu nous donner la ou les différences entre les termes suivants :
Si tu avais à présenter ce qu’est la trame verte et bleue à un enfant de 10 ans, que lui dirais-tu ?
Je fais souvent une animation sur ce thème avec des enfants (à partir de 7 ans) qui habitent dans une commune couverte par un contrat vert et bleu.
Pour introduire la séance, je leur demande d’abord ce qu’est une trame pour eux. Généralement ils ne savent pas répondre, donc je leur dis que c’est un chemin. Puis, je fais la comparaison avec les humains : « Quels chemins empruntons-nous ? » Ils répondent souvent les trottoirs, les routes, … Et je leur dis que finalement nous prenons ces différents chemins en fonction de nos mode de déplacement, vélo = piste cyclable, voiture = route, … et que pour un animal c’est pareil ! En fonction de ses besoins et de ces capacités, il ne va pas pouvoir se déplacer dans les mêmes endroits.
Une fois que nous sommes arrivés à ce point, je leur demande quels sont les chemins qui pourraient être verts ou bleus. Ils arrivent à trouver que les chemins verts correspondent aux forêts, haies et jardins et les bleus correspondent à l’eau (mare, rivière, étang).
Ensuite, nous allons sur le terrain et suivons un jeu de piste comportant une dizaine de points où il y a soit des problématiques sur la trame verte et bleue : soit des choses à valoriser, soit à améliorer (espaces de jardin avec clôture, lampadaire, arbre mort, piège à faune, haie, autoroute, buse utilisée comme passage à faune, étang, …).
Comment s’inscrit cette trame verte et bleue dans les différents outils de protection de la nature que nous avons mis en avant dans cet article ?
Ce n’est pas une protection en soi, ce n’est pas un outil, c’est juste une définition. En revanche, les contrats verts et bleus sont des outils qui permettent de réaliser des actions pour améliorer ou recréer ces continuités mais ne permettent pas de les protéger. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule manière de protéger, c’est, en amont, d’inscrire les corridors écologiques sur les zonages de la commune via le Plan local d'urbanisme (PLU = document destiné à définir la destination générale des sols « Telle zone sera habitable, telle autre restera naturelle, telle autre sera agricole »).
Parles-nous du SRCE (Schéma régional de cohérence écologique).
C’est un gros travail qui a été fait à l’échelle régionale et qui est à l’origine de tout ce dont nous parlons. Ce SRCE donne des pistes (notamment via des cartes comme celle-ci) sur les « supra-corridors », c’est-à-dire les corridors qui vont relier les plus grands réservoirs de biodiversité (comme les massifs de Chartreuse et du Vercors et les massifs forestiers par exemple) et leur état (en péril ou en bon fonctionnement). Mais ce n’est pas un travail qui se suffit à lui-même, il est nécessaire de faire des zooms sur chaque territoire comme par exemple la carte ci-dessous.
Et donc, c’est une obligation pour tous les documents d’urbanisme (PLU) d’aborder ce sujet des trames vertes et bleues dans leur diagnostic à l’échelle de la commune.
Pour finir, je précise également que dans les contrats verts et bleus, il y a une étude préalable pour préciser les corridors et ainsi pouvoir définir les actions à réaliser.
Y a-t ’il des projets en Isère de contrats verts et bleus et sur quelle durée ?
Tous les contrats durent 5 ans. Ils peuvent être renouvelables, mais ça ne s’est pas encore produit. Pour information, le financement se fait par la Région, l’Europe, parfois le Département et par de l’autofinancement des différentes structures, surtout des associations.
En Isère, il y a aujourd’hui :
Finalement, quel est le rôle du citoyen vis-à-vis de la TVB ? A-t-il un rôle d’ailleurs ?
En fonction de la taille du corridor, on va toucher plus ou moins d’espèces et pas les mêmes (une haie de jardin est bien différente d’une haie agricole de plusieurs km et d’essences différentes). Donc la commune a un rôle via son PLU (dans le zonage et dans le règlement) mais l’habitant ou l’agriculteur est responsable de sa propriété et de son aménagement (par exemple, en mettant une clôture autour de son jardin, le propriétaire va empêcher un hérisson de circuler entre deux jardins. Heureusement à toutes les échelles, des solutions existent comme par exemple ce dispositif original et efficace pour le passage de la petite faune des jardins).
De plus, le citoyen a un rôle informatif. Il se doit d’informer les responsables du projet, les élus locaux ou les associations de protection de la biodiversité s’il observe une destruction d’un corridor de part ce projet.
Concrètement à quoi sert la trame verte et bleue en Isère ?
Ça ne « sert » pas, c’est indispensable car sans la trame verte et bleue, il n’y a plus d’échanges, donc d’espèces, donc de biodiversité : les populations s’amoindrissent et l’Homme en pâti forcement à la fin.
Merci beaucoup pour cet échange et ces informations très concrètes et simples à comprendre.